L'Europe maintient le cap sur la régulation de l'IA

Et aussi: X perd sa caution publicitaire

Cafétech
4 min ⋅ 11/07/2025

À NOS LECTEURS - Cafétech fait une pause. Rendez-vous à la rentrée. Bel été à tous


L'Europe refuse de reporter l'entrée en vigueur de sa réglementation de l'IA générative

"Ni de délai de grâce, ni de pause". Répondant à une lettre signée par 46 grands patrons européens, la Commission maintient le cap. La semaine derniere, elle a confirmé le calendrier d'application de l'AI Act, sa nouvelle réglementation de l'intelligence artificielle, fortement critiquée par la plupart des entreprises du secteur. Et plus particulierement, l'entrée en vigueur des obligations que devront respecter les modèles"à usage général" à partir du 2 août. Pourtant, le flou règne encore. Après des mois d'intenses discussions, le Code de bonnes pratiques, devant aider les concepteurs de modèles à se mettre en conformité, vient tout juste d'être publié par Bruxelles. "Des éléments clés sont encore absents, s'inquiète la CCIA, un lobby financé par Google, Meta, Amazon ou encore Apple. Avec si peu de temps restant, les entreprises avancent à l’aveugle".

Longues négociations – La volonté de réguler l’intelligence artificielle en Europe date de 2021. Une autre… époque. Les inquiétudes portaient alors sur les dispositifs d’identification biométrique ou encore les systèmes de police prédictive. Mais le lancement de ChatGPT fin 2022 puis les progrès spectaculaires des IA génératives ont contraint les responsables européens à revoir leur copie. Après des mois de négociations, la version définitive du texte ajoute de nouvelles dispositions. Elle introduit d’abord des obligations de transparence sur le processus d’entraînement des grands modèles de langage ou des modèles de diffusion, avec l’obligation de publier un résumé “suffisamment détaillé” des données utilisées. Cela pourrait permettre aux détenteurs de droits de réclamer une rémunération si leurs œuvres ont été utilisées.

“Risques systémiques” – L’AI Act réaffirme par ailleurs que les sociétés du secteur doivent respecter le droit d’auteur européen. Et, avec lui, la possibilité pour les auteurs, les artistes ou les médias de refuser que leurs contenus participent à l’entraînement des modèles. Le projet impose aussi la mise en place d’un dispositif d’identification des contenus générés par l’IA, permettant de distinguer les fausses photos ou vidéos. Les réglementations les plus strictes ne s’appliqueront qu’aux modèles présentant des “risques systémiques” – déterminés par la puissance de calcul qui a été nécessaire pour les entraîner. Ceux-ci auront, par exemple, l’obligation de mener des études d’impact sur les risques et sur les mécanismes mis en place pour les limiter. Un bureau européen de l’IA sera chargé de faire appliquer ces règles.

Handicap pour l’Europe ? – Les détracteurs de l’AI Act reprochent à l’Europe de vouloir réglementer trop tôt le secteur. Et surtout d’être la seule à le faire. Ils redoutent ainsi que le texte ne handicape les sociétés européennes, en particulier face à leurs rivales américaines. Poussé notamment par Cédric O, l’ancien secrétaire d’Etat au numérique, devenu lobbyiste Mistral AI, la France militait ainsi pour une approche différente, qui ne vise pas les modèles mais les services d’IA qui les utilisent. Sur ce point, elle n’aura obtenu qu’une petite victoire: le texte ne concerne plus les modèles fondamentaux mais les modèles “à usage général”, une dénomination plus restrictive. Paris s’opposait aussi à une transparence totale des données d’entraînement. Mais a simplement obtenu que soit mentionné le “respect du secret des affaires”.

Pour aller plus loin:
– Comment Cédric O tente de faire échouer le projet de régulation de l’IA générative
– Le double discours d’OpenAI sur la régulation de l’IA


| UN MESSAGE DE HOMAIO |

Quand investir peut (aussi) geler des millions de tonnes de CO₂

Depuis 2005, un marché méconnu agit dans l’ombre pour décarboner l’Europe: celui des quotas carbone. Ce mécanisme a déjà permis de réduire de 50 % les émissions industrielles sur le continent, tout en générant une performance financière de l’ordre de 25% sur les dix dernières années*.

Problème: jusqu’ici, ce marché était réservé aux grandes entreprises et aux institutions. C’est là qu’intervient Homaio. La fintech française démocratise enfin l’accès au marché européen des quotas d’émission.

En quelques clics sur leur plateforme, les investisseurs particuliers peuvent à la fois suivre le rendement de leur placement et constater, en direct, le nombre de tonnes de CO₂ effectivement effectivement retiré du marché grâce à leur investissement. À ce jour, ce sont plus de 350.000 tonnes de CO2 qui ont été “gelées” par Homaio.

*Les performances financières passées des quotas d'émission ne préjugent pas des rendements futurs. Il est conseillé aux investisseurs potentiels d'évaluer soigneusement les risques et incertitudes associés avant de s'engager dans tout investissement.
Investir comporte des risques de perte partielle ou totale en capital.


X perd sa directrice générale, sa caution auprès du marché publicitaire

À peine deux ans après son arrivée, Linda Yaccarino quitte déjà son poste de directrice générale de X. Un départ surprise qui intervient quelques semaines après le rachat de l’ancien Twitter par xAI, la start-up d’IA lancée par Elon Musk. Et qui pourrait compliquer les efforts publicitaires du réseau social. Ancienne directrice de la publicité de NBCUniversal, l’un des géants américains des médias, la responsable est en effet une figure du secteur publicitaire aux États-Unis. Elle représentait ainsi une caution auprès des grands annonceurs, qu’elle a côtoyée autour de grands événements comme les Jeux olympiques et le Super Bowl. Sur le papier, elle part sur une bonne note: les recettes publicitaires de X devraient progresser cette année, selon les estimations d’eMarketer. Mais une partie de cette hausse est alimentée par une crainte de représailles.

Rassurer les annonceurs – Linda Yaccarino a été nommée à la tête de Twitter en mai 2023, six mois après l’acquisition par Elon Musk. Son arrivée devait surtout rassurer les annonceurs, qui avaient fui la plateforme en masse. Entre l’allégement de la modération, l’amnistie générale des comptes bannis et les déclarations polémiques du nouveau propriétaire, celle-ci représentait alors un énorme risque de réputation pour les marques. Bien qu’elle occupait officiellement le poste de directrice générale, Linda Yaccarino ne supervisait en réalité que les opérations commerciales. Les grandes décisions stratégiques, notamment en termes de produits et de modération, restaient aux mains d’Elon Musk. La responsable a notamment mis en place nouveau système de contrôle, devant permettre d’éviter que les publicités apparaissent à côté de messages problématiques.

Peur de Musk – Mais le retour des annonceurs s’est surtout accéléré suite à l’élection en novembre de Donald Trump. Apple ou Disney ont ainsi mis fin à leur boycott. Et Amazon a fortement augmenté ses dépenses. De fait, une partie de la croissance publicitaire de X est “alimentée par la peur”, souligne Jasmine Enberg, d’eMarketer. La peur de se retrouver dans le collimateur de son patron – et par extension de l’administration Trump. La peur aussi d’être poursuivi en justice. En février, l’entreprise a ainsi élargi à Lego, Nestlé et Colgate-Palmolive la plainte déposée l’an passé pour “boycott illégal”. Selon l’analyste, “de nombreux annonceurs considèrent désormais leurs dépenses sur X comme un ‘prix à payer’ pour éviter des représailles”. Ce moteur pourrait vite s’estomper, notamment en raison des nouvelles tensions entre Elon Musk et Donald Trump.

Pour aller plus loin:
– Elon Musk revend X à xAI, sa start-up d’IA
– Publicité, profits, valorisation: les bons chiffres en trompe-l’oeil de X


Crédit photos: Unsplash / Rolf van Root - Flickr / World Economic Forum

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Par Jérôme Marin

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