La défaite retentissante d'Apple, les mauvais chiffres de Deezer, les avancées d'Huawei

Et aussi: Le fondateur d'Instagram règle ses comptes – Google renonce à remplacer les cookies tiers

Cafétech
4 min ⋅ 03/05/2025

Ce samedi, l’édition hebdomadaire de Cafétech vous propose un tour d’horizon des principales actus tech de la semaine écoulée.

Bonne lecture et bon week-end.


| GRAND ANGLE |

Face à Epic, Apple concède une défaite judiciaire retentissante

Apple pensait avoir évité le pire. Mais le groupe à la pomme vient d’être rattrapé par la justice américaine. Et de manière spectaculaire. Mercredi, la juge chargée de l’affaire qui l’oppose à Epic Games vient de lui ordonner de ne plus prélever de commissions sur les achats externes sur son système iOS aux États-Unis. Autrement dit: tous les développeurs d’applications peuvent désormais rediriger leurs utilisateurs vers un site Internet sans avoir à reverser le moindre centime. Un coup de tonnerre, qui pourrait se traduire par un immense manque à gagner. La magistrate justifie cette décision radicale, en contradiction avec ses premiers jugements, par l’attitude de la société. “À chaque occasion, elle a choisi l’option la plus anticoncurrentielle”, explique-t-elle. Elle lui reproche aussi d’avoir menti. Et réclame donc l’ouverture d’une procédure pénale pour parjure.

Anti-steering – Attaqué en justice à l’été 2020 par Epic, l’éditeur du populaire jeu vidéo Fortnite, Apple avait été relativement épargné par le verdict en première instance. Considérant que la société n’était pas en position de monopole dans la distribution d’applications mobiles, la juge ne l’avait pas obligée à ouvrir son système iOS à d’autres boutiques. Ni à autoriser les systèmes de paiement alternatifs directement dans les applications. En revanche, elle avait remis en cause la pratique dite d’anti-steering, qui interdit de rediriger les utilisateurs sur un site pour réaliser un achat ou souscrire à un abonnement. La juge avait ainsi autorisé les développeurs à ajouter des “boutons” et “liens externes”. Elle n’avait cependant pas fourni de règles détaillées, ni précisé quel niveau de commission pouvait encore prélever Apple sur ces achats externes.

Commission injustifiée – En clair, la juge laissait au groupe de Cupertino le soin de déterminer la manière de respecter son injonction. Elle estime aujourd’hui qu’il a “sciemment” choisi d’ignorer son verdict, confirmé en appel puis par la Cour suprême. Apple a d’abord instauré des commissions de 12% et 27% sur les achats externes, contre 15% et 30% pour les achats in app – un niveau que la juge avait déjà considéré comme injustifié. Cette réduction n’est, en outre, pas viable pour les développeurs car elle ne compense pas les frais de paiement qu’ils doivent verser lors d’un achat sur leur site. Par ailleurs, la société a mis en place des conditions très restrictives, limitant drastiquement les possibilités d’insérer des liens de redirection. Elle a aussi introduit des “scare screens” pour dissuader les possesseurs d’iPhone d’acheter hors de sa plateforme.

“Un mauvais choix” – Dans son verdict, la juge détaille les discussions entre les principaux dirigeants d’Apple. Elle révèle que Phil Schiller, le responsable de l’App Store, recommandait de ne pas prélever de commission. Mais Tim Cook, le directeur général, avait finalement suivi Luca Maestri, le directeur financier, qui militait pour l’option permettant de ne subir aucun impact financier. “Un mauvais choix”, estime la juge. Lassée de l’attitude d’Apple, elle a donc décidé de frapper très fort. En plus des commissions, elle lui interdit toutes restrictions sur le placement et le contenu des liens externes. Et elle lui ordonne de n’afficher qu’un “message neutre” pour indiquer aux utilisateurs qu’ils sont redirigés vers un site. “C’est une injonction pas une négociation”, applicable immédiatement, sans attendre le verdict de l’appel, explique-t-elle.

Impact financier – En choisissant une attitude jusqu’au-boutiste, les responsables d’Apple ont sévèrement été punis par la justice. S’il reste difficile à mesurer, l’impact financier de la plainte déposée par Epic sera ainsi beaucoup plus important. En l’absence de commission sur les achats externes, la société redoutait que “la plupart des grands développeurs et potentiellement de nombreux développeurs moyens et petits” choisissent de ne plus utiliser son système de paiement, souligne la juge. Une estimation interne chiffrait le manque à gagner “en centaines de millions voire en milliards de dollars”. Celle-ci était en plus sous-évalué, car elle correspondait à un scénario imposant d’importantes restrictions sur les liens externes. Or, celles-ci ne seront pas en place, laissant escompter une utilisation encore plus importante de cette alternative.

Pour aller plus loin:
– Bruxelles inflige une amende à Apple, la première dans le cadre du DMA
– Les États-Unis lance une procédure antitrust contre Apple


| EN BREF |

Deezer devient (enfin) rentable... mais perd des abonnés

À peine un million d’euros. Le bénéfice opérationnel est minime, mais il représente une avancée majeure pour Deezer. Dix-sept ans après son lancement, la plateforme française de streaming musical est enfin devenue rentable au deuxième semestre 2024. Et elle prévoit de l’être à nouveau sur l’ensemble de 2025. Elle a aussi dégagé ses premiers flux de trésorerie positifs. “Une année historique”, se félicite Alexis Lanternier, arrivé l’été dernier au poste de directeur général. À y regarder de plus près pourtant, les chiffres publiés par Deezer sont plutôt inquiétants. Non seulement l’entreprise redoute une chute de son chiffre d’affaires au cours des prochains trimestres. Mais elle s’attend aussi à continuer à perdre des abonnés, devenant de plus en plus insignifiante en dehors du marché français, qui représente environ la moitié de ses clients.


Dans l'IA, Huawei veut profiter d'un coup de pouce de... Washington

Le timing ne pouvait pas être meilleur pour Huawei. Début avril, le géant chinois a présenté une nouvelle carte graphique (GPU) dédiée à l’intelligence artificielle générative, rapporte le média spécialisé DigiTimes. Cette annonce coïncide avec l’entrée en vigueur de nouvelles restrictions américaines sur les exportations de puces vers la Chine. Celles-ci concernent les modèles bridés conçus par Nvidia, en particulier les H20, ou par AMD pour respecter les seuils de puissance maximale fixés par Washington. Une aubaine donc pour Huawei, qui a désormais le champ libre dans le pays. Le groupe peut en effet offrir des alternatives crédibles aux GPU américains, grâce aux importants progrès réalisés depuis deux ans. Mais aussi grâce aux subterfuges qu’il a mis en place pour échapper aux sanctions américaines qui le ciblent depuis plus de quatre ans.


Le fondateur d'Instagram règle ses comptes avec Meta

Kevin Systrom s’était jusque-là peu exprimé sur son départ abrupt d’Instagram à l’été 2018. Sept ans plus tard, le fondateur de la plateforme de photos, rachetée en 2012 par Meta pour un milliard de dollars, est l’un des témoins vedette cités par la Federal Trade Commission (FTC), dans le procès qui l’oppose à la maison mère de Facebook. À la barre, l’ancien dirigeant n’a pas seulement réglé ses comptes avec son ancien employeur, accusant à demi-mot Mark Zuckerberg de jalousie devant l’immense succès de l’application. Il a aussi remis en cause une partie de son argumentaire. Un point positif pour la FTC, qui accuse Meta d’avoir racheté Instagram et WhatsApp uniquement pour mettre la main sur des rivaux avant qu’ils ne deviennent trop menaçants. L’affaire est cruciale: elle pourrait déboucher sur la vente forcée des deux plateformes.


Cinq ans après, Google renonce à remplacer les cookies tiers

C’est un interminable feuilleton qui se finit par une ultime volte-face. Cinq ans après avoir promis la fin des cookies tiers sur Chrome, et après avoir multiplié les reports, Google vient officiellement d’y renoncer. Non seulement, le moteur de recherche ne supprimera pas l’utilisation de ces traceurs sur son navigateur vedette, mais il ne développera pas non plus le système alternatif annoncé l’été dernier. Celui-ci devait permettre aux internautes de choisir entre les cookies traditionnels et une nouvelle option plus respectueuse de leur vie privée. “Les avis restent profondément partagés”, justifie l’entreprise. En clair: elle n’a pas réussi à trouver une solution permettant de satisfaire à la fois les éditeurs de presse, les annonceurs et les régulateurs, en particulier la Competition and Markets Authority, le gendarme antitrust britannique.


Photos: Unsplash / James Yarema - Deezer

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Par Jérôme Marin

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