Et aussi: Nouvelles sanctions contre la Chine - Pas de répit pour les géants de la tech
Tous les vendredis, l’édition hebdomadaire de Cafétech vous propose un tour d’horizon des principales actus tech de la semaine écoulée.
Bonne lecture et bon week-end.
Du statut de sauveur annoncé à la retraite anticipée. Le moins que l’on puisse dire, c’est que le règne de Pat Gelsinger à la tête d’Intel ne se sera pas déroulé comme espéré. Moins de quatre ans après sa nomination, alors unanimement saluée, le directeur général du géant américain des semi-conducteurs a quitté son poste dimanche. Ce départ abrupt, précipité par le conseil d’administration, intervient seulement deux mois et demi après la présentation d’un nouveau plan de relance. Il concrétise l’échec de son ambitieuse feuille de route, symbolisé par le plongeon de l’action en Bourse. Mais aussi les retards pris dans le lancement de cartes graphiques dédiées à l’intelligence artificielle générative. En attendant un nouveau patron, l’intérim sera assuré par le directeur financier et par la responsable de la division PC.
Retard technologique – Ingénieur réputé, qui a passé trente ans chez Intel, Pat Gelsinger avait été rappelé à la rescousse au printemps 2021. Sa mission: relancer un groupe en perte de vitesse, supplanté par l’architecture Arm dans les puces pour smartphones. Et dépassé technologiquement sur les gravures les plus fines par TSMC. Le géant de Santa Clara était aussi arrivé au bout de son modèle intégré, de la conception à la production. Celui-ci était remis en cause par le modèle de sous-traitance dit “fabless”, c’est-à-dire sans usine, qui permet de générer des volumes très élevés pour rentabiliser les immenses investissements nécessaires à la fabrication des semi-conducteurs les plus avancés. Intel avait ainsi perdu de gros clients, comme Apple, qui conçoivent désormais leurs propres puces, produites par le fondeur taïwanais.
Investissements – Pour relancer Intel, Pat Gelsinger n’avait pas hésité à remettre en cause le principe historique d’intégration verticale. La société est désormais divisée en deux. D’un côté la conception, de l’autre la production. La première branche est devenue une cliente de la seconde. Et elle est libre de faire graver ses puces chez les concurrents. Aujourd’hui, un tiers des processeurs maison sont ainsi fabriqués par TSMC, afin de gagner en performance. Dans le même temps, le groupe fabrique des composants conçus par d’autres. Pour mettre en place cette stratégie, Pat Gelsinger prévoyait d’investir plus de 100 milliards de dollars afin de bâtir de nouvelles usines aux États-Unis et en Europe. Et il misait sur un nouveau processus de gravure. Encore récemment, il promettait une montée en puissance des ventes à partir de 2026.
Vers une scission ? – L’optimisme affiché en 2021 s’est vite heurté à la réalité. Le chiffre d’affaires a continué de reculer, plombé par le marché du PC. La nouvelle activité de fonderie tarde à décoller, malgré des contrats signés avec Microsoft et Amazon. Et Intel devrait accuser sa première perte annuelle depuis 1986. Face à ces difficultés, la société a licencié 15.000 personnes. Elle s’est aussi engagée à réduire fortement ses investissements. Elle a notamment décidé de reporter la construction de la méga-usine qu’elle devait bâtir à Magdebourg en Allemagne, pour un coût estimé à 30 milliards de dollars. En revanche, Pat Gelsinger avait refusé de mener une scission de la branche fonderie, réclamée par certains investisseurs, optant à la place pour la création d’une entité indépendante. Un projet qui pourrait désormais être relancé.
Pour aller plus loin:
– Distancé dans l’IA, Intel ne baisse pas les bras
– Pour relancer les ventes, Microsoft lance des PC optimisés pour l’IA
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Dans le petit monde des semi-conducteurs, Jim Keller est une véritable vedette. Pas étonnant donc que les investisseurs ne manquent pas pour le suivre dans son dernier projet. D’autant que l’ancien d’Apple, AMD et Tesla leur fait miroiter une petite part d’un immense gâteau, celui de l’intelligence artificielle générative. Lundi, la start-up canado-américaine Tenstorrent, qu’il dirige depuis deux ans, a ainsi officialisé une nouvelle levée de fonds, d’un montant de 700 millions de dollars – notamment auprès de Samsung, qui a déjà participé au précédent tour de table, et du fonds de Jeff Bezos, le fondateur d’Amazon. Elle n’est pas la seule à attirer les investisseurs. Comme elle, Groq, Cerebras ou encore SambaNova ont récolté des sommes importantes. Leur ambition commune: concurrencer Nvidia, le leader incontesté du marché.
Au printemps, Sam Altman se disait opposé à l’arrivée de la publicité sur ChatGPT, la qualifiant de “modèle économique de dernier recours”. Pourtant, OpenAI étudie bien cette possibilité, reconnaît Sarah Friar, sa nouvelle directrice financière, interrogée par le Financial Times. Selon le quotidien britannique, le patron de la start-up commence d’ailleurs à se montrer favorable à ce changement radical. Celui-ci n’est cependant pas imminent, explique la responsable, sous-entendant que d’autres pistes de monétisation pourraient d’abord être privilégiées. Reste que le virage publicitaire d’OpenAI apparaît de plus en plus inéluctable, alors que la popularité croissante de la version gratuite de son chatbot vedette – qui attire désormais plus de 300 millions d’utilisateurs par semaine – se traduit par de très lourdes pertes.
Avant de passer la main fin janvier, l’administration Biden a imposé lundi de nouvelles restrictions d’exportation visant l’industrie chinoise des semi-conducteurs. La justification est toujours la même: “affaiblir la capacité” de Pékin à fabriquer des puces avancées pouvant servir à sa “modernisation militaire”, explique Gina Raimondo, la secrétaire du Commerce. Cette nouvelle vague de sanctions vise d’abord à refermer certaines failles des mesures déjà en vigueur. Et elle s’étend à de nouveaux secteurs, en particulier les puces mémoires à large bande passante (HBM), désormais indispensables pour entraîner et faire tourner les grands modèles d’intelligence artificielle générative. Certains observateurs regrettent cependant que leur portée ait été revue à la baisse, sous la pression notamment d’industriels américains.
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Crédit photos: Intel - Tenstorrent